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Dans « Carla et moi », Nathan Silver filme les névroses familiales d’un juif new-yorkais

L’AVIS DU « MONDE » – À NE PAS MANQUER
Avec un seul film sorti en France – C’est qui cette fille ? (2017), une comédie romantique située à Paris –, Nathan Silver y demeure très largement méconnu du grand public. Ce réalisateur indépendant new-yorkais a pourtant une quinzaine de films à son actif depuis 2006, dont neuf longs-métrages.
Sa percée domestique et internationale avec ce nouveau film témoigne du regain créatif qui affecte depuis quelques années cette frange ultraminoritaire du cinéma américain. Pour ne rien dire de l’œuvre désormais bien identifiée de Kelly Reichardt (First Cow, 2019), mentionnons l’arrivée étagée sur nos écrans de films aussi réussis que Uncut Gems (Joshua et Ben Safdie, 2019), Ham on Rye (Tyler Taormina, 2019), Give Me Liberty (Kirill Mikhanovsky, 2019), The Beta Test (Jim Cummings, 2021), La Vie selon Ann (Joanna Arnow, 2023) ou la toute fraîche Palme d’or cannoise, Anora (Sean Baker, 2024).
Sans craindre d’essentialiser et donc de réduire le style de Silver tel qu’il s’exprime dans ce film, on dira qu’il relève du régime 100 % ashkénaze, soit l’équivalent du 100 % santé, mais à l’envers. C’est une plongée dans le cerveau souffrant d’un héros digne des planches du théâtre yiddish de l’Ancien Monde comme du roman juif américain du Nouveau Monde, en passant par les constructions mentales ciselées et oppressantes d’un Franz Kafka. Y occupent une place centrale l’univers domestique, partant la famille, et, plus précisément encore, la relation filiale supranévrotique, amoureusement assumée comme telle, entre le fils et sa mère.
Pour le dire d’un mot, l’ombre ubiquitaire de Cindy Silver (inspiratrice, actrice, déesse vivante) plane de longue date sur l’œuvre de son fils, Nathan. Les développements récents de cette trouble trame œdipienne (mise au jour, sans surprise, par un juif viennois amateur de cigares) peuvent même être considérés comme la genèse autorisée de Carla et moi.
Tout part de la coupe intégrale des séquences maternelles dans un film précédent de Nathan, intitulé Actor Martinez (2016). Le grabuge qui s’ensuivit l’obligea à lui offrir en réparation des dommages le rôle central de Cutting My Mother (2019), minisérie en quatre épisodes entièrement à elle consacrée. Silver, à l’en croire, découvrit à cette occasion que sa mère, 65 ans, prenait des cours préparatoires à sa confirmation religieuse (bat-mitsva dans la version originale), laquelle se célèbre normalement à l’âge de 13 ans. L’insolite de la situation, filmée dans le documentaire, ne demandait qu’à être remis en scène dans une fiction. Tel est le pourquoi de Carla et moi, naturellement épicé de quelques hautes complications romanesques.
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